Conclusions sur Explorateur
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Chris Spedding, le producteur pressenti, étant indisponible, le staff dut se résoudre à engager un autre alchimiste. L’élu fut un certain Watson, un Anglais rencontré en tournée, qui avait fait ses armes avec Joan Jett notamment. Ses idées novatrices séduisirent Spi, qui souhaitait une production inventive, exploitant les techniques du moment. Le groupe nécéssitait de nouveaux schémas de travail pour évoluer et devait impérativement s’évader du ghetto alternatif qui ne fabriquait plus que des disques pro-formats. Il fallait donc abandonner les étapes traditionnelles :
1/ Bande témoin au métronome, puis basse / batterie.
2/ Envoie les râpes et re-re pour les soli.
3/ Couche les voix puis les choeurs, suivant le temps qui reste.
4/ Mise à plat + K7, et réfléchis bien au mix pour la semaine prochaine !
L’idée force de Watson était de penser, non plus en linéaire, masi en INSERT, en aérant les plages de guitares au maximum pour éviter l’aspect monolithique des LP’S antérieurs.
Arrivé à un certain stade, il faut savoir effacer ses petites vanités de musicien et se mettre au service de la chanson. Voici le leitmotiv. Mais une fois en terre britonne, au studio Impact, éclatent les premiers diferents. Motch s’arc-boute dans la cabine et commence à creuser le riff, en bon forçat du rock’n roll. "All right !" s’exclame une voix dans le casque. "Stop it ! Il s’attendait à tout notre guitar-hero, mais pas à ce qu’on le censure en plein travail. Watson sample le riff et s’amuse à le multiplier de part et d’autre de la rythmique. Les rebelles ouvrent des yeux de merlans frits et frôlent l’infractus. Ce glaouiche est en train d’assassiner l’exlorateur. Spi continue à croire en lui et use de toute sa persuasion pour convaincre l’équipage. Les sessions se déroulent dans une paranoïa grandissante, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le producteur n’est pas considéré comme le sixième membre du groupe. La veille des prises de basse, il bricole et recherche sur un clavier des formules mélodiques destinées à étoffer les morceaux, et Phil Messina, affolé, les enregistre mentalement, pour regagner son hôtel un quatre pistes sous le bras. Le bassiste passera une nuit blanche à modifier ses lignes, y incluant les thémes esquissés par Watson, pour mieux le court-circuiter le lendemain.
Il craignait en fait que le rosbeef ne tartine du synthé à tire-larigot sur les chansons. Bonjour l’ambiance.
Trois titres de la pré-prod seront écartés, "La vallée de la mort", "Écueil, recueil, cercueil" et "Rockin’ steppe", au profit d’une cover francisée pâlotte d’Eddie Fontain, "Drôle de soirée". Au fil du temps, Watson, arrachera l’adhésion des réfractaires. Était-ce de la résignation ?
Les prises achevées, OTH commet une erreur fatale en lui laissant carte blanche pour le mixage, qui aura lieu à Paris, au studio Marcadet. Spi avoue être dépassé et impressionné par les techniques du concepteur, et les autres, lassés et ébranlés par le séjour Outre-Manche, demeurent passifs, tout en cultivant leur angoisse dans leur retraite héraultaise. Tous les individus ayant croisé Motch, Beubeu, ou Phil durant cette période
transitoire, se rappellent leur mine de rats pris au piège quand on demandait des nouvelles du bébé. "Vous n’aimerez pas mais toutes les chansons sont bonnes" revenait incessamment. Ils attendaient les résultats du mix, l’estomac noué, comme dépossédés de leur art et embarqués dans un véhicule fou conduit par un kamikaze.
Recevant la première épreuve de l’album, Motch le fracasse contre les murs de sa carrée. C’est la consternation. Rien ne sonne. Les guitares sont lointaines, quasi inexistantes. La rythmique manque de corps et l’ensemble est fade, inerte, sans identité. Une sous-production inqualifiable qui lamine le groupe. Beubeu fait un test en avant-première, demandant au DJ du Rockstore de diffuser "Issue de secours" incognito dans le programme, pour observer la réaction des danseurs. Tiède. Les gens ne semblent pas reconnaître les héros de la ville. Mais il est trop tard. Les séances à Marcadet ont coûté une cinquantaine de milliers de francs, et les finances sont trop tic-tac pour envisager un remix salvateur. C’est donc la mort dans l’âme que le combo avalise la parution de l’oeuvre, pour lancer derechef l’"Explorateur Tour" qui renflouera les caisses. Quand la chose apparaît dans les bacs ;c’est la curée. OTH a trahi, OTH a produit de la daube !
La rumeur se répand dans Montpellier où certains adeptes retardent, puis annulent leur achat. Les critiques sont désastreuses. Lors de la tournée promotionnelle, des gosses aveuglés par la rage détruisent l’objet au bas de la scène, sous le regard contrit des musiciens.
L’explorateur martial, porteur de tous les espoirs, est donc revenu de son périple britannique sous forme de momie.
Le kid nerveux pénètre dans mon bureau et exige satisfaction. Un Jack Daniels dans une main, je lui tends de l’autre la liasse que je viens de vous lire, mais d’une manchette foudroyante, il l’éparpille aux quatre coins de la pièce. "Rien à foutre de tes boniments, JE VEUX LES NOMS DES COUPABLES !". Là, il m’énerve. On ne parle pas comme ça au vieux Mike. .
lève d’un bond, l’attrape par le colback de son bomber et l’envoie dinguer dans le rocking-chair dans lequel il reste prostré, comme un culbutos punk.
"Mon cher PETIT CON, puisque tu réclames un fautif à lapider, je te donne Martyn Watson. Pas pour ses concepts qui tenaient la route, mais son incapacité à les réaliser. T’es content ? Mais c’est un peu facile tout ça. Je ne te conseille pas d’engager des poursuites sinon les OTH seraient inculpés de non-assistance à personne en danger. Que ne sont-ils montés participer au mix à Paris ? Le véritable criminel, c’est le temps. Quinze ans de lutte, ça use, et le moindre aléa mélangé à la lassitude peut faire commettre une bourde irréparable. C’est une chose qu’un peigne-cul de ton espèce ne peut admettre. Dans la vie, tu peux te tirer de tous les coups, TOUS, SAUF UN ! Capisci ? Reprends ton blé et dégage !"
Mouché le morveux. Avant qu’il ne décanille, je lui glisse dans les poches la K7 de mars 90, celle d’un groupe intègre mais pas intégriste qui savait écrire des putains de bonnes chansons, et les transcender pour que les gosses puissent rêver longtemps...
Votre pote, Mike Hammer.

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