Chronique Charbons Ardents 1986
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Le 25 décembre 1985 ; les OTH sont au pied du sapin, rois mages pouilleux nous offrant rien moins que les 1460 nuits...

CHANTONS TOUS LEUR AVÈNEMENT
Que tous les campaniles languedociens fassent carillonner leurs mâtines à toute volée ! Que retentissent les grandes orgues et que les fidèles massés sur les parvis entonnent le Te Déum ou le Magnificat !
La prophétie s’est enfin réalisée et OTH en cet an de grâce 86, entre au Panthéon du riff. Canonisés après huit années d’abnégation, les cinq apôtres malingres du Val d’Argent confirment la suprématie du courant continu sur l’altematif. Pourtant rien n’était joué, il fallait concrétiser vinyliquement la légende urbaine qui se répandait dans toutes les tavemes de France.
Un album creux, mal produit, voire timoré pouvait être fatal et expédier au vide-ordure cet art de vivre si chèrement acquis. Par une belle journée automnale le rocker lambda chausse ses baskets pour courir rue des Soeurs Noires où l’attend dans les bacs "Sur les charbons ardents", oeuvre de vinyle rose compilant les nouveaux crushers du quintet. Mais avant de faire détaler le vaurien de la sorte, le gang héraultais a fait deux rencontres déterminantes :
Étienne Imer d’abord, qui succède à Alain Voyer au poste de manager. L’individu a fait ses classes en tant qu’associé de Renaud Ventré, le célèbre marchand de fleurs factices dont le slogan publicitaire "Elles sont tellement vraies qu’elles sont fausses" est resté dans les mémoires. Il ouvre ensuite un magasin de fringues dans un quartier commerçant de la ville, et aux dires de certains, n’a pas son pareil pour attirer la clientèle féminine. Son truc est de proposer un jean une ou deux tailles en dessous, et la midinette paniquée gémit de ne pouvoir le passer. Alors le bel Étienne entre en scène, empoigne fermement le bénard, soulève sans ménagement la pauvrette en la secouant comme un prunier, jusqu’à ce qu’elle s’y engonce comme dans un fourreau, concluant par un claquant "Un jean se porte comme ÇA Mademoiselle !". Et la jouvencelle de glousser comme une novice à l’approche de la carotte. C’est donc à ce genre de bonhomme que Dominique Villebrun, suite à des connections diverses, propose le management d’OTH.
Public-relation, vendeur et méthodique, Imer va apporter à ces vieux loups des terres ce qui jusqu’alors leur faisait défaut : une véritable structure, régie par une main de fer, avec bureau, informatique et fichier d’adresses, sous l’appellation "Art trafic" (reprise des exactions précédentes sous la bannière Trafic d’art). Avec un tel partenaire, les musiciens pourront consacrer l’essentiel de leur temps au répertoire et ne se dissoudront plus au gré des aléas ponctuant la vie de la route. Ainsi le groupe, ayant les moyens de ses ambitions, devient la machine de garantie plébiscitée par les organisateurs.
Boulimiques de concerts, ces messieurs vont être servis...
Bon nombre d’apprentis ferrailleurs ont eu affaire à Rémi Ponsar, l’ingénieur du son du Studio de la Loge. Son inclination pour le rock dur n’est pas une nouveauté, comme en témoignent ses régulières collaborations avec Vitriol. Flou, voire quelque peu lymphatique, il a coutume de déplacer mollement sa longiligne carcasse entre cabine et console, et déteste travailler dans l’urgence. Par contre, ses capacités professionnelles, largement au dessus de la moyenne, font oublier sa lenteur naturelle. C’est donc dans ses locaux que tes oTHiens élisent domicile pour concocter le second album. L’image d’Épinal du groupe sans foi ni loi enregistrant au débotté semi-live en dix heures de prises est désormais émoussée. Le gang a soupé de ce genre de poncif.
Souvenez-vous de "Réussite" gravé en 36 heures mixage compris, cette cour se contre la montre, où le sablier concourait pour la bourse du Studio Village !
Le combo nécessite un havre de paix pour peaufiner et arranger des chansons qui méritent de sonner, sans l’angoisse du chronomètre. Rémi Ponsar ignore le stress et oublie fréquemment sa breloque. En cela, sa rencontre est une véritable bénédiction pour OTH qui va se découvrir un producteur, un ami et un sixième homme. Les sessions dureront presqu’un mois et Ponsar n’hésitera pas à co-produire le projet, avançant d’indispensables journées de studio. Le flegmatique échalas va se convertir à la religion OTHienne, adoptant le port du Spencer bleu marine et de la casquette de patron pêcheur, se faisant également remarquer aux manettes durant les concerts.
Retrouvons donc notre rocker du Clapas qui déballe fébrilement la rondelle de vinyle rose. En bon initié, il se prépare à supporter la charge sonique, d’autant plus que le single en avant première "Le rap des rapetous / Cri de ralliement" conseillait de monter les gants. Protégeant donc sa mâchoire, il pose le bras de la platine sur la première plage "Parce que ça nous plaît" et BANG ! l’a pas vu venir, KO au premier round. Tout en respirant l’odeur du tapis, le fan entend un son rond et chaud, une rythmique qui tient au ventre et des licks de guitare trimballant dans leur sillage Alice Cooper, Dolls et Stooges. Nargué par le choeur de goules enveloppant le dernier refrain, le kid se relève dans un sursaut d’orgueil pour brouter illico la moquette sous le rire sardonique de Spi en intro de "Blasphème". Dès lors, compté dix, il demeurera bras en croix, contemplant des supenovas rougeoyante : "Sous tes reins", un rock endiablé ciselé comme un acier de Tolède, avec des lyrics à double sens, vicieux à souhait, à mon avis la "réussite" de l’opus ; "IBM" ancien morceau ultra speedé, datant de la période où le le groupe merdoyait encore dans les MJC villageoises ; "California sun" des Rivieras, devenu ici "Sous le soleil du midi" dans lequel Spi démythifie la région d’un "Tout le monde a droit à une place au soleil/ Nous en tous cas on vous laissera la nôtre" (mon cul ! NDA) le "Didn’t know I love you til I saw you rock’n roll" du futur pédophile Gary Glitter, BO seventies des auto-scooters de foire Pailladine, repeint en "Totem" d’iroquois sanguinaires. L’album s’achève sur la chanson éponyme, folk song braillarde et unionniste que l’on peut reprendre a capella au bistrot, lorsque la gnôle empâte le palais. À l’attention des oublieux, signalons Que "Sur les charbons ardents" est la traduction littérale de "On tenter hooks" expression brittonne d’où le combo a tiré fameuses initiales. Pour tout cela cette livraison est identitaire et référencielle. Malgré des moyens réduits (16 pistes alors que "Réussite" en a bénéfi de 24 !), la production Ponsar, chaleureuse et inventive, rend enfin justice au commando. Quelques gimmicks poppisent avec bonheur cet ouragan métallique, et il est soulageant d’apprendre qu’OTH sait habiller ses titres. Choeurs féminins, hand-clappings, tambourin et guitare acoustique contribuent à la révélation d’un groupe QUI A EU LE TEMPS DE FAIRE CE QU’IL DEVAIT FAIRE. Et bien que dans le potage, notre petit rocker en arrive fatalement à cette conclusion imparable : tous ceux qui ne possèdent pas ce disque sont des cons...

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