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Interview OTH
L’une des premières interviews donnée par Spi. Par le fanzine On est pas des sauvages le 19/02/83.
Interview de Spi sur le fanzine Bakalao
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Interview Fanzine Bakalao (jan 92)
Certes, la fin d’OTH s’est apparentée pour beaucoup à la déchéance d’un dinosaure empaté du Rock français, s’essoufflant dans des méga tournées avec vente de tee-shirt, cartes postales, affiches et d’un albm au son soporifique nommé Explorateur... Mais OTH reste OTH... C’est en partie à ce groupe que l’on doit l’éclosion du Rock en France. S’il aurait du s’arrêter sur son live, à l’image de Parabellum, putain, faut pas oublier qu’il a balancé à la gueule de nombreux kids (dont ouam) se cherchant zicalement, 2 brulôts, 2 monuments du Rock séfran des années 80 : Réussite & Sur des charbons ardents, Paroles subversives, zique, rien à jeter, ça c’était du Rock, ouais. 2 skeuds comme ça, ça inspire un certain
respect...
Et pis merde, quand j’ai commencé le zine, c’est OTH que je voulais rencontrer et des jours difficiles s’annoncent désormais pour Baka... Voilà... tu trouveras ici l’essentiel des 3 entrevues avec Spi, entre juil. et oct. 91, le split du groupe était alors imminent... Bref, si j’ai pas fait le 1er itw d’OTH, j’aurai sans doute eu le privilège de faire le dernier !!! Et pis bon, il nous reste quand même les Naufragés !...
B : Quels sont les groupes qui vous ont influencés à vos débuts ?
S : Mis à part quelques groupes comme Doctor Feelgood, qui est plus un groupe de revival, les Ramones, les N.Y. Dolls, des groupes qui ont perpétué l’esprit quoi, je suis plutôt années 50, 60 alors que les autres membres du groupe sont plus branchés sur les années 70.
B : Et Tu sembles avoir été assez fasciné par les Doors non ? je pense aussi bien à dus reprises comme Backdoor man ou Love me two times avec OTH qu’à la chanson d’Alabama avec les Naufragés. Y’a aussi Jusqu’à la fin de la nuit d’0TH alors qu’un morceau des Doors s’appelle At the end of the night.
S : Jusqu’à la fin de la nuit c’est un pur hasard.., Quant à la chanson d’Alabama et Back door man, ce sont elles-même des reprises de Weill et de Brecht. Tu sais, c’est l’opéra de 4 sous, les Doors ne chantent que 2 couplets de la version originale où t’as Whisky Bar et Little Girl. Dessus t’as un petit garçon qui dit "montre moi la route du prochain dollar" et ça
dure vachement plus longtemps. Autrement, Back door man est un morceau de Willie Dixon, mais j’avoue que la version des Doors... Pour une fois, je préfère une version de blanc à l’originale des noirs... Non sans ça, c’est sûr, on est complètement fan des Doors mais je ne vois pas comment on peut ne pas l’étre. Dans la musique blanche, c’est le groupe qui m’a le plus influencé avec les stooges... C’est ce qui m’a permit " de canaliser toute la violence et tout ce que i’avais de plus haineux en moi. Mais y’a pas des masses de groupes dans le même style, les Doors et les stooges ouais, parce que c’était les plus extrémistes... La violence froide...
B : Comment vous sentiez vous par rapport à la vague punk qui a coincidé avec la création d’OTH ?
S : On se sentais proche de ce mode de vie mais un peu moins de la musique punk en elle-même vu que nos influences étaient déjà bien déterminées à cette époque.
B : Et tu te souviens du 1er disque dee rock sur lequel tu as flashé ?
S : Ouais, c’était un disque des Kinks... Dancing in the street.., un morceau de noirs d’ailleurs... Les Kinks, les Stones, les Beatles, c’était la folie quoi...
c’était un son nouveau, c’était inimaginable... mais quand méme, ce qui m’a fait le plus de bien ou le plus de mal comme tu voudras, c’est le Blues. D’ailleurs, je n’écoute plus que ça maintenant...
B : C’est le blues du tout début, celui des années 20 ?
S : Ouais. Le morceau qu’on a repris avec les Nauf, James Infirmery, c’est hyper vieux, c’est presque un traditionnel, je l’ai sur un 78 t. De toute façon, ce qui à été fait de plus intense date de cette époque, à partir du Jazz de la Nouvelle Orlean. Après t’as eu le Blues, le Rhythm ’n’Blues, le Rockabilly... Les blancs qui ont joué de la country ont adapté le rythme des noirs. Là t’avais la matière brute, tout ce qui a été fait par la suite n’est que la dilution de ce noyau...
Faut voir la vie qu’ils menaient : cette musique a été engendrée par une vie d’enfer ; dans l’histoire de l’esclavage, les blancs ont déporté 50 millions de noirs. Y’en avait un tiers qui mourrait durant la traversée en bateau. Y’a pas de cas de figure semblable, la musique n’a jamais traduit avec autant de force la souffrance de tout un peuple.
B : As-tu déjà joué dans un groupe de Blues ?
S : Ici. y’a pas vraiment de groupe de Blues ou alors ce sont des blacks, il faudrait que je trouve des blacks parce qu’ils font des trucs que les blancs n’arriveront jamais à faire... Par exemple, ils maîtrisent parfaitement l’unité de style dans un groupe en jouant ensembles 5 trucs différents. Sinon, ça m’est déjà arrivé de beuffé une fois... Ouais mon rêve c’est de jouer dans un groupe de Blues... Initialement, j’suis harmoniciste de Blues. Pendant 8 ans, je n’ai fait que ça, c’est-à-dire de 13, 14 ans à 20 ans, avant de rencontrer OTH... Je jouais sur les disques, avec les Plus grands ! Little Walter, Willie Dixon et tout ce qu’il a produit : Muddy Watters, le plus grand musicien du monde, Howlin Woolf (le loup hurlant, le démon... Je jouais avec eux ... sur vynil !... Putain, si j’avaih pas eu ces mecs là...
B : Dans tes paroles, les mots chiens, chiennes reviennent souvent. Le mot cynisme également, dont le sens etymologique signifie bafouer la morale, à l’image de Diogéne. Y’a t’il donc un rapport direct entre ces 2 mots ?! Hein ?!
S : Nous si on emploie cynisme ou chien dans nos morceaux, c’est naturel, ça n’est pas par snobisme. Je n’ai découvert qu’après que nos textes étaient cyniques. Le mal n’existe en tant que mal que parce que des gens considèrent que le bien est leur intérét.
Quelqu’un de cynique, d’amoral, c’est quelqu’un de pur pour moi. C’est pas que je sois pur mais je crois que j’ai gardé pas mal d’innocence, de ce que pourrait étre la vie s’il n’y avait pas l’exploitation, la cupidité, l’hypocrisie...
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B : J’ai lu qu’aprés avoir écrit "Un seul probème", tu disais justement avoir tout dit ?
S : ouais j’ai cerné le probléme dans cette chanson là ! Un seul probléme c’est le pouvoir ouais voilà, si y’avait pas le pouvoir... Mais c’est pas seulement le pouvoir entendu comme la force d’Etat, ça peut être à n’importe quel niveau. J’ai l’impression que tout ce que j’ai pu dire par la suite à propos de politique, d« révolte, tournait autour de ça.
B : Pourquoi tes paroles au début étaient si influencée par la drogue comme dans "SS Super sordo" et pourquoi as tu cesser d’en parler ?
S : Parce que les autres ne voulaient plus que j’en parle. Pis c’est pareil, j’en ai fait un peu le tour quoi. Tu peux pas prétendre faire du Rock ’n’Roll c’est-à-dire faire une musique révolutionnaire et rabacher toujours le même thème. Tu peux pas le faire... En tout cas, nous ne pouvont pas le faire.
B : Enfin, y’a quand même eu beaucoup de morceaux dessus... J’crois que le mot orchidée remplaçait celui de drogue non ?
s : ouais. C’est parce qu’à l’époque le trip vaudou me passionnait pas mal et les vaudous, pour faire tomber quelqu’un à l’état de zombie, ils utilisaient une poudre qu’ils tiraient de l’orchidée, ça s’appellalt la poudre à zombie. Ca s’apparente à la poudre du junky, du zombie dans le système...
B : Quelles sont les influences littéraires que l’on peut trouver dans tes textes ?
s : Rimbaud ça m’a hyper inspiré.
B : Ah ouais, ça m’fait penser à "Quand on a que la haine" où tu reprends un passage d’une Saison en Enfer.
s : En fait, tout ce qui est en prose, ça me branche. J’suis pas branché poésie, tout ce qui est rime et tout ça, ça m’intéresse pas trop. J’pense que tous les paroliers fonctionnent comme moi. Quand y’a quelque chose qui te plaît, qui te choque, en bien ou en mal ou ne serait-ce qu’une simple discussion avec quelqu’un qui sort une connerie bien placée, un jeu de mot intelligent et tout ça, c’est le truc que tu retiens et que tu vas ressortir après.
B : Et "Des fraises et du sang", c’est un film non ? Ca parle de quoi ? Y’a d’autres films qui t’ont influencés ?
S : Des fraises et du sang, ça parle des révoltes étudiantes dans les années 60. C’est un film un peu ennuyeux mais qui finit avec une telle intensité... une telle révolte, sinon comme autres films, y’a Le bon, la brute et le truand, Orange mécanique évidemment, le 1er Casimodo, Means street / Les rues de feu qui était le 1er De Niro, Performance ; tous les fantastiques (Dracula, Frankenstein...) Amadeüs, Bird, et tous les grands films musicaux.
B : Y’a un autre "thème" qui revient assez souvent, c’est l’électricité non ? (Je pense aux paroles d’Industrie bizness musique et aux Clowns Electriques)... selon toi, qu’est ce que l’électricité a apporté au Rock’n’Roll ?
S : C’est l’élément qui a servi à catalyser i’énergie... Je pense toutefois que le rock ’n’ roll aurait existé même sans l’électricité. Certains l’ont prouvé dans les années 40. 50...
B : T’as souvent écrit des paroles contre l’école et le système éducatif en général comme dans "L’école de la rue. mais si t’avais un môme, tu ne l’enverrais pas à l’école alors ? (question un peu conne).
S : A l’école je me faisais chier pas possible. Je gravais des camenberts sur les tables et je les remplissais au fur et à mesure que le temps s’écoulait.
Enfin si, j’aimais bien le français mais j’ai dù m’arrêter en seconde. L’école c’est simple, c’est endoctrinage, lavage de cerveau, bourrage de crâne, idées reçues. Il faut soulever le voile pour entrevoir une autre dimension et là c’est la faille où je me suis vautré, peut-être exagérément... En tout cas, j’ai pas d’enfant, la vie serait trop infernale pour lui.
B : Ah ouais et les autres membres d’OTH ?
S : Non plus, J’ai pas d’enfant parce que je respecte trop la vie. Je ne sais pas si tout le monde en a conscience mais on est en enfer ici méme si on vit une période de trêve, un peu rose. De toute façon, j’aurai pas le courage, il vivrait l’enfer complet. C’est par égoïsme peut-être aussi... En fait, tu fais naître un môme au début de la guerre du Vietnam, il va la vivre pendant 3O ans, ce mec là va dire "j’suis heureux"...
Tu t’habitues à l’enfer, tu t’y acclimates.
B : Nais toi, t’as pas eu cette vie d’enfer puisque tu as fait ce que tu voulais ?
S : si y’avait pas eu le Rock, je ne serais pas vivant maintenant.
B : Y’a un thème qui revient encore plus souvent et toujours, c’est la rue non ?
S : Déjà, j’peux pas parler de choses que je ne connais pas. Ca pose d’ailleurs un problème maintenant car j’ai pratiquement fait le tour de tout ce que j’ai vécu ( ?). Alors il faudrait que je parte à l’aventure pendant un an ou deux pour voir des trucs différents et apporter du neuf.
B : T’as plus de mal à écrire par rapport à avant ?
S : ouais parce que je ne peux pas répéter les mêmes choses qu’avant. Je cherche du nouveau et en même temps du vécu... C’est pas facile...
B : un titre tel que "L’Age d’Or", c’est par rapport au film de Bunuel ?
S : Non, c’est un poème de Rimbaud, quand je te disais que cela m’avait vachement influencé !
B : Trafic, c’est quoi au juste ?
S : C’était notre label... c’est ce qui nous a permis de nous produire nous même.
B : A partir de quand ?
S : Ca fait un bail... Y’a au moins 7 ans de ça... Au début, le nom c’était Trafic d’Art car on voulait un jeu de mot avec trafic d’armes vu que Rimbaud était mort en en faisant... ça nous avait plu. Après, on a eu notre 2nd manager, on a inversé le nom et on est devenu Art Trafic : mais j’ai toujours préféré Trafic d’Art ... On devrait d’ailleurs se rappeller comme vu qu’on a plus le même manager.
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B : Y’a eu des embrouilles avec lui non ?
S : Non, y’a pas eu de lézard en fait... Disons qu’Art Trafic ça a été un gros bouillon financier...
S’autoproduire, ça exige une gestion hyper serrée et ça coûte la peau des couilles...
B : Avec les albums vendus, vous ne rentriez pas dans vos fonds ?f
S : On vend pas des masses tu sais, on vend 10000 et avec 10000, on ne remboursait pas les frais de studio vu qu’on y passait un mois ! Y’a pas eu de véritable embrouille avec Etienne... . Art Trafic a complètement coulé et c’est lui qui s’occupait de la gestion des disques. Maintenant, il est en train de récupérer les pots cassés... De toute façon, l’autoproduction, ça a une limite... Tu peux fabriquer 5000 disques mais au delà, c’est difficilement gérable car t’as pas suffisamment de fonds de roulement pour investir à plus grande échelle...
B : Vous avez donc un nouveau manager ?
S : Non pas vraiment ; on a Laurent qui était déjà notre tourneur... Il est road manager quoi... On continue avec lui sur la route...
B : Et quel sera votre nouveau label ?
S : On va sans doute se foutre avec New Rose ou peut être avec le Studio de la Loge qui est en train de se monter un label.
B : Justement, à propos du Studio de la Loge, y’a pas mal de supers albums de Rock qui en sont sortis outre OTH et les Naufs, t’as aussi certains albums des Rats et des $hériff...
S : Ouais, si Rémi Ponsar n’avait pas été là, je ne sais pas ce que l’on aurait fait, on serait mal en tout cas. Là il s’est monté lui même un 24 pistes et il faut balancer la nouvelle à tout le monde. C’est un 24 pistes numériques avec possibilités d’hébergement des groupes à des prix qui sont vraiment Rock’n’Roll. C’est quelqu’un qui s’investit vraiment à fond, corps et âme... Pour OTH, il a avancé le studio et il a jamais récupéré un sou. Idem pour les Naufs dont il a produit les albums. Ca va sans doute être la même chose pour le prochain ! C’est sa passion quoi et on lui doit beaucoup !
B : Le collector 8 titres a été beaucoup critiqué. On a notamment dit que c’était pour renflouer le live ou encore parce que vous n’étiez plus créatifs...
S : Ah non le live est la meilleure opération financière qu’on ait jamais faite, il nous a coûté 0 centimes, même pas une K7. C’était un soir, on voulait enregistrer sur une console et le patron du Barracuda à St Brieuc nous a filé la K7 qu’un groupe lui avait envoyé. Désolé pour le groupe !... Concernant le 8 titres, on l’a sorti parce qu’on recevait une lettre sur deux où on nous demandait "comment faire pour trouver le 1er 45T, la 1ère k7 démo etc...
B : Avez-vous l’intention de reprendre un jour vos vieux morceaux, comme "C’est trop pour ma tête", "Les pillards" ?...
S : Où tu les a eu ceux là ?!
B : Ben sur un pirate de 83 ou de 84...
S : Oh j’me rappelle même plus de l’air ! Tu sais, y’en a eu au moins 50 des morceaux d’0TH qui ne sont pas sortis et on ne va pas rouvrir le musée !
B : Qu’est ce que c’est que cette pochette horrible pour le dernier album ? Il parait que vous n’avez pas du tout contrôlé sa réalisation ?
S : Ouais, elle est infâme. J’la défend pas du tout, elle est ignoble.
B : Ca n’est pas un peu paradoxal de vous être fait avoir comme des débutants ?
S : Non au contraire, un jeune groupe va vachement contrôler l’élaboration de la pochette de son 1er disque. Les 1ères pochettes que l’on faisait, on s’y impliquait vachement alors que maintenant, c’est tout le contraire. Moi les trucs graphiques, le support publicitaire, le merchandising, le commercial, ça ne m’intéresse pas du tout, j’en ai rien à glander. On a donc laissé des gens faire ça et on s’est retrouvé avec des échéances financières qui ont sonné comme un glas.
Il nous a fallu lancer le disque tel qu’il était mixé.
Il aurait fallu sortir 10 bâtons de plus pour trouver un mix tel qu’on l’aurait voulu.
B : Vous n’avez donc pas conçu la pochette ? Et celle du ler album ?
S : Ben la 1ére, c’était des gens de Montpellier qui l’ont faite mais on s’intéressait quand même à tout de A à Z.
B : Dans un morceau comme "Sur des charbons ardents" ou dans le dernier couplet "Des fraises et du sang", tu évoques votre 1er local de répète non ? Comment c’était à l’époque à Montpellier ?
S : A Montpellier, comme dans beaucoup de villes alors, y’avait rien. Pas de salle de concert donc pas de concert. Tout se passait au local. On a répété 3 ans là-bas, du lundi au dimanche. Tout Montpellier venait là pour s’éclater, on faisait des fêtes... On ne faisait pas une seule répète seuls. Même quand on travaillait nos nouveaux morceaux, y’avait toujours du monde. .
B : Vous ne regrettez pas cette époque maintenant que vous répétez dans un local complètement excentré de Montpellier ?
S :.Non, j’ai jamais regretté aucune époque. Ce qui m’intéresse, c’est découvrir.
B : Pourtant tu disais dans la déclaration de rêve OTH / Art Trafic en 86 "avoir vécu la partie la plus exaltante de votre trajectoire" ?
S : Vu par quelqu’un de l’extérieur, c’est sans doute vrai.
B : Mais c’est pourtant toi qui le disait ?!
S : Ouais. Peut-être que je m’apercevrai que le meilleur c’était le début, dans 10 ans, ou si je largue le groupe, ou si quelque chose d’autre se passe... Mais maintenant, je ne peux pas le concevoir car le seul moment où je m’éclate dans la vie, c’est lorque j’échappe à l’ennui, quand je trouve quelque chose qui me fait changer de telle sorte que je n’ai plus la même vision du monde. C’est pour cela que nous préférons toujours notre dernier album, même s’il est moins bon ou...
B : Quelle a été justement la réaction de votre entourage par rapport à votre dernier album ?
S : Alors au début c’était le choc, on a traumatisé tout le monde.,. Mais tout compte fait, c’était une bonne chose. On a pu échapper à une certaine pression car je sentais que l’on devenait quelque peu prisonniers du public qui voulait du speed, du rapetou, du ra-gnagna.., Nous, on voulait du neuf. On l’a fait brutalement mais finalement, on a bien fait. Et puis le but d’un groupe de Rock’n’Roll, ça n’est pas forcément de plaire au public.
B : Oui d’accord, c’est bien d’avoir voulu retrouver vos origines, de rechercher vos sources mais moi ça m’a vraiment surpris car j’ai trouvé que le son était carrément variétoche !
S : Ouais mais y’a le fond et la forme et ça n’est pas la méme chose. Ce qui fait justement la différence entre rocker et beauf, c’est que le rocker va pouvoir percer les apparences. Tu vas pouvoir aimer un groupe qui chante faux mais où la lucidité derrière est géniale. Le problême avec ce disque, c’est que le mix n’est pas bon du tout car les guitares sont trop en retrait. Mais il faut parvenir à percer la faille.,, Grosso modo, tous les adolescents ne l’aime pas. C’est normal. Maintenant, il faut qu’ils écoutent les $hériff mais pas OTH. On est trop vieux. On ne veut pas être de ces groupes qui a 40 ans jouent pour des mômes de 16 ans. Mais tout le public qui a vieillit avec nous à mieux suivi... Méme avant que l’on fasse l’album, y’en avait qui nous disait qu’ils en avaient marre du speed, qu’il fallait que l’on évolue... Parmi ceux qui n’aimaient pas, y’en a plein qui à force d’écouter, ou en venant aux concerts se sont ravisés.
B : S’en est donc finit de la rage, de la haine qui vous, caractérisait ?
S : Mais la rage et la haine, tu ne peux l’exprimer que quand tu l’as en toi de façon très forte, c’est-à-dire lorsque tu sors de 15 ans d’éducation, quand tu sors de l’armée, de chez tes vieux, du bahut ou de je sais pas quoi... T’as un tel potentiel de haine que tu vas l’exprimer mais après, c’est fini sinon tu vas faire du rabachage. Lorsque tu exprimes quelque chose, tu le libère, tu te défoule en l’exorcisant. Tout le monde passe par là je crois, à moins de vivre un véritable enfer.
B : C’était déjà comme ça y a 10 ans ou est ce que maintenant
ça l’est un peu plus ?
S : oui peut-être que c’est un peu plus précaire comme situation vu que notre raison d’être originelle, c’était la haine. Maintenant, ce ne sont plus du tout des trucs comme cela. Je sais pas moi...
Je connais peu de groupe qui ont tenu plus de 10 ans alors 5 mecs ensemble pendant 13 ans, c’est vraiment...
C’est un miracle ! Y’a un truc entre nous tous, c’est indéniable... Et si jamais on se séparait, ça ne serait qu’une séparation musicale. Moi je connais le groupe ; depuis 14 ans, c’est-à-dire depuis le moins longtemps.
Les autres membres sont des amis d’enfance.
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B : Dans un itw de Best en 85, tu parlais de matrice unique et tu semblais la lier au terme 0n Tenter Hooks, c’est quoi au juste cette matrice unique ?
S : Ben c’est difficile à décrire mais entre nous y’a truc, une force... C’est une histoire de pote quoi vraiment très forte... Ca n’est pas vraiment expicable ni palpable ; comme dirait Motch, c’est une d’alchimie, c’est presque maléfique, un pacte maléfique... Enfin peut-être moins maintenant...
B : Ah c’est ce dont tu parles à la fin de L"’Eté 86" ("si vous saviez, vous comprendriez, la raison qui nous pousse à continuer).
S : ouais c’est çà ...
B : Tout à l’heure, je ne sais pas si tu as fait un lapsus ou quoi mais tu as dit "si je lâche le groupe"... Tu sens que tu vas partir ?
S : Je sais pas, nous vivons au jour le jour tu sais. Cela peut durer encore 10 ans, 1 an ou bien 1 heure...
Ce soir on peut se foutre sur la gueule...
En tout cas, on a toujours fait ce qu’on avait envie de faire, au feeling, alors on va continuer au feeling...
B : Le prochain album, si y’en avait un, ne serait donc pas speed ?
S : On ne peut plus refaire du speed sans ça on ne serait plus nous même. on ne serait alors que des espèces de fantoches essayant vainement de reproduire un truc qui ne se reproduira jamais de la même façon.
C’est comme pour le Rockabilly : un groupe qui va en jouer va reprendre le même son, la méme façon de chanter, les mêmes morceaux mais ça ne sera jamais la même force qu’il y avait à cette époque avec l’énorme barrière mentale qu’il y avait alors à ecraser,.. Et puis quand tu joues plus vite, tu ne joues pas en fait.
c’est tout le monde sur la ligne de départ, à vos marques, prêts, partez et tout le monde se rancarde à la fin. Dans ces cas là, il ne se passe pas grand chose au niveau du feeling et de la complicité entre les musiciens.
Enfin, y’a eu un déclic entre nous depuis quelques temps. On joue les morceaux de façon moins posée parce qu’on les connaît mieux. Mais on ne les decouvre, on ne les savourent plus vraiment même s’il y a peut-etre plus d’émotion pour le public, et encore. En tout le groupe est moins présent dans le morceau.
B : Pourquoi avoir pris un synthé sur scène au début de la tournée de votre dernier album ?
S : Oh c’est une expérience qu’on a fait...
B : Oui mais pourquoi l’avoir mis même sur les vieux morceaux ?!
S : oh tu l’entendais pas, c’était sa vision qui te choquait ! (rires)
B : N’empêche que c’était complètement con de préciser la mention "No synthetizer" sur l’album.
S : oui c’est vrai, l’idée est nulle. En tout cas, y’a des sampler sur le dernier album, c’est l’instrument des années 90. Les blacks arrivent à utiliser les sampler avec un feeling énorme et il faut retenir la leçon.,. Le sampler va étre ce que la guitare électrique a été au Rock’n’Roll. Ca ouvre des possibilités de son que ne pourra jamais te donner une guitare...
B : Ca a evolué le Rock en France depuis vos débuts ?
S : Tout a évolué lentement mais sûrement. Mais pour que les choses continuent d’évoluer, il faut se battre constamment, ne jamais laisser un pied de terrain ; il reste énormément à faire. 0uand un bar rock ferme, il
faut qu’il y en ai 10 qui ouvrent !
B : Y’a des villes où ça bouge plus au niveau du Rock
S : Ben t’as des villes où on a jamais joué encore. Style Orléans, Le Havre, Rouen. Alors que t’en as comme Rennes qui bougent vachement, y’a 2 concerts par semaine et des gros en plus, j’te parle pas des p’tits.
A toulouse aussi, c’est la folie, on y a joué au moins 20 fois. A Paris aussi ça bouge mais j’aime pas le public d’OTH quand il vient pour les Naufs...
B : Quand on écoute de vieux pirates d’OTH, on s’aperçoit que tu as vachement travaillé ta voix depuis parce qu’avant tu avais plutôt tendance à crier non ?
S : ouais avant, je ne savais pas chanter, j’y arrivai pas. Pis une voix, c’est comme une corde de guitare, quand tu la casses, c’est terminé à vie. J’ai arrété de gueuler à cause de ça si je chante plus, je meurs. Ca fait 2,3 ans que j’ai pris une véritable technique de chant mais j’suis pas encore parvenu à faire ce que je veux avec la voix mais je sais que je vais y arriver.
B : A c’qui parait, tu fais du yoga avant de rentrer sur scène ?
S : Non, c’est pas du yoga mais j’aimerai bien en faire. Pour le chant, je fais des exercices qui sont seulement inspirés du yoga ; des trucs pour le diaphgrame, pour la respiration ventrale quoi sur laquelle se base tout le chant. Ca reste physique alors que le yoga a une dimension plus vaste, qui englobe l’esprit. Mais je ne fais pas ça que pour les concerts, je le fais également en répète.., tous les jours en fait. Ca fait 2,3 ans maintenant... Avant, je ne faisais pas ça, je me défonçai... mais la défonce, j’ai fait le tour...
toutes les défonces à fond. Le but de mon existence, c’est d’échapper à l’ennui alors avec la défonce, tu finis par te retrouver tous les jours dans le même délire et tu replonges dans l’ennui quoi. Alors depuis 2,3 ans, je suis dans une exploration...
B : C’est pas avec les Naufs que tu t’exprimes d’ailleurs le mieux avec ta voix ?
S : Ben c’est beaucoup plus aéré musicalement derriere alors la voix passe mieux tandis qu’avec OTH y’a un tel bloc de guitares derriere que t’as qu’une certaine plage de fréquence qui passe sur la voix et c’est plus difficile à sonoriser.
B : Vous vous engueulez d’ailleurs un peu pour ça ??
S : ouais on se speede là-dessus, à cause du volume sonore ( ?)
B : A propos d’OTH, est-ce qu’ils aiment bien ce que tu fais avec les Naufs ?
S : Oh je... je sais pas. Je crois que les guitaristes n’aiment pas trop par rapport au fait justement que l’on mette les guitares en retrait.
B : Tu t’investis maintenant davantage dans Les Naufragés que dans OTH non ?
S : Ouais et ça depuis que j’ai découvert la voix en fait. Avant ce qui m’intéressait c’était l’idée et brailler les textes, la haine quoi. Maintenant, j’ai exorcisé tout ça. Je recherche davantage la beauté, la chaleur ou des trucs comme ça dans la voix et je travaille par rapport à cela. Et cela ne s’exprime jamais mieux que dans les Naufs à cause de ce probléme de mur de guitares...
B : C’est déjà arrivé que les 5 d’0TH jouent dans les Naufs ?
S : 4 ouais mais pas 5. C’était pendant une tournée en Bretagne, y’a Motch qui nous avait rejoint...
B : Tes parents sont vraiment pêcheurs de morue ?
S : Non, c’est mon grand-père, il était pécheur de morue à la Terre-Neuve.
B : Ou’est ce qui te branche dans la mer ?
S : En fait, c’est surtout toute l’imagerie çue ça contient, toutes les légendes que t’as autour de ce thème. Et puis quand t’es en mer, t’as une telle sensation de liberté qu’après, tout va te paraître distant... Tu te rends compte que c’est dérisoire, une ville, c’est vraiment rien, c’est un piège à con... La mer, ça me permet de trouver des images chocs, de rêve tu vois. J’suis attiré par ça. Ceci dit, j’suis sûr que, la vie sur mer ne me plairait pas tant que ça si je devais la vivre en fait en tant que marin pêcheur, ou corsaire (rires)...
B : T’as encore beaucoup de chansons de marins en réserve ??
S : Non, le répertoire traditionnel est trés limité, surtout en France. Je recherche d’abord des chansons où les textes sont proches de ce que vivent les rockers et les jeunes en général, au moins des textes proches de leurs fantasmes.
B : Quest ce que vous aura apporté la présence de votre nouveau guitariste ?
S : C’est une fine gachette... Il a déjà joué avec les Vierges et plein de groupes sixties qui faisaient des reprises de ghettos... Il nous a apporté la finesse et l’électricité. Ce que je faisais à la guitare auparavant, c’était vraiment grossier, j’en jouait par nécessité et sa présence me permet de retourner à mes sources avec l’harmo.
B : Et le fait de faire un groupe, qu’est ce que ça t’auras apporté ??
S : Une vie exaltante faite de rencontres passionnantes et vraies. Le rock est une valeur solide ! En granit !
Merci à Spi pour sa disponibilité, sa teyebou de Gin, son plan couscous à St Amant et son aide pous nous faire rentrer gratos aux concerts..
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