Il y avait de quoi saliver. Voyer revenait sur le théâtre de ses précédentes exactions en tant qu’organisateur indépendant, nous proposant rien moins que la première prestation des Vierges, flanqués pour l’occasion d’OTH et des Décibélios, punks espagnols azimutés que l’on avait eu la chance de découvrir l’année précédente, lors de concerts organisés par Peuples et Cultures. Ces derniers réalisaient un show catastrophe, où divers objets électro-ménagers explosaient sur scène, tandis que la tronçonneuse faisait jeu égal avec la guitare. Hargneux, de petite taille et velus comme il se doit, ces péones dispensaient une OI roborative, et l’on était en droit de s’attendre à une nouvelle soirée historique à Victoire.
Mais, suivant le dicton de nos voisins ibères, "Tarde de espectacion tarde de decepcion". Et nous constatâmes à notre grand dam la véracité de l’adage.
La veille j’avais convié les Vierges à Radio Clapas, pour une émission baptisée "Le Clapas aux mains des Vierges", et les psycho-killers semblaient remontés à bloc, prêts à confirmer leur récente légende. Alain Picon s’était rasé l’occiput, ne laissant qu’une touffe savamment sculptée en tête de mort. Real bad thing !
Et Voyer d’investir une dernière fois ses planches pour annoncer sous l’ovation le set des trashers meteoriques alors que retentit le beat de "’ kill bop". L’entrée enregistrée est somme toute moyenne, mais les spectateurs présents détiennent tous le premier opus virginal. Le son est quelque peu faiblard et le groupe, manquant de maturité scénique, semble avoir des difficutés à s’entendre. Koza K Korch n’a pas le temps de terminer sa chanson fétiche qu’un pénible grimpe sur scène, l’agrippe, et le secoue frénétiquemt comme une arapède sous fringanor. Le lead singer se dégage, de quelques uppercuts de bonne facture, parachevés par un coup de latte approprié, mais le morceau est déjà avorté. S’ensuivent des versions approximatives de titres du EP, et s’installe le malaise. Perdus sur l’estrade, les protagonistes se lancent des regards inquiets, réitérant le miracle de la multiplication des pains. Et Picon, chez qui le flegme n’est pas qualité principale, perd simultanément rythme, paroles et pédales. |
On touche le pompon lorsque les micros se mettent à foirer. Alain râle, peste, quitte l’arène pendant que les trois autres font tourner un accord à vide, cherchant désespérément l’issue.
Et le frontman de revenir, torse nu et livide, et l’on remarque de vilaines zébrures rougeâtres sur son dos et ses bras. On ricane pensant au subterfuge ketchup/hémoglobine fréquemment utilisé dans le grand guignol de Vitriol. Mais les stries s’épaississent et le sang se met à couler, couler... Et tout le monde percute. Sentant son concert lui échapper, le psychotique s’est réllement tailladé au rasoir. Plus exactement, fait taillader par son égérie perturbée Héléne, lors de son escapade backstage. Cela ne peut aller plus loin, bien qu’il insiste pour continuer sous les yeux effarés de ses comparses. Open up and bleed. Les plaies s’ouvrent et saignent, et le SAMU prévenu à la hâte vient évacuer le malade au terme de ce happening chaotique.
Après la consternation fusent les ragots. Déchirement amoureux, prétendront certains, jurant l’avoir entendu râler sur son brancard de douleur "Putain, on n’a pas joué le dernier. C’était pour ELLE !". Une tragédie de plus pour la Victoire.
Ensuite, les barcelonais feront de leur mieux pour dégeler une assistance amorphe, douchée par ces événements. Ils iront pourtant franco : tête de toro découpée à la tronçonneuse, partie de football avec le public, ponctuée de refrains de hooligans, mais rien n’y fera.
Et OTH a la lourde tâche d’insuffler vie à une soirée moribonde. Ils attaquent par un semi-original fortement inspiré par Screamin’ lord Sutch "Jack l’éventreur". Le son est certes pourri, mais on est à Victoire, pas au Royal Albert Hall. Mais une bagarre éclate sur le devant, et un des belligérants ne trouve rien de mieux que vaporiser la cantonade au moyen d’une bombe lacrymo. Le public suffocant reflue vers la sortie et les fab five en sont réduits à jouer, stoïques et crachotants, devant une salle vide pendant un bon quart d’heure. C’est foutu. Spi annonce la demière chanson "Pour conclure cette morne soirée" et l’on quitte le bunker.
La magie du rock’n roll crée souvent des mythes à partir de débacles. Ainsi, les faits d’arme blanche d’Alain Picon auront un retentissement underground national.
Dans le sud sauvage, les légendes se bousculent...
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