[OTH le groupe] > Chronique K7 "Live in The Church"

Voyer et Banal reçoivent un coup de fil de la mairie les priant de visiter une biscuiterie désaffectée non loin du Pont Juvénal.
Enfin une proposition concrète. Les deux lascars s’y rendent pour juger des capacités d’accueil de l’immense hangar et fouinent, amusés, parmi les machines hors service et les cartons d’emballage. Sur le sol, des centaines de pochettes kraft destinées aux rations militaires frappées de la laconique formule : pain de guerre, poids net 420 g. Illumination immédiate. C’est le package idéal pour la nouvelle K7 d’OTH. Ces derniers, après quelques per formances en demi-teinte, ont assuré la première partie grenobloise de Lords of the New Church, qui a été enregistrée.
Si les choses semblent s’arranger à Montpellier, le quintet doit toujours combattre pour sa propre reconnaissance. "Musique atteinte" n’a eu aucune répercussion, commercialement parlant, et les pestiférés retournent à l’auto-production pour se faire entendre. L’objet est assez séduisant, compr nant des cartonnettes imprimées de lyrics et un dessin de Phil représentant des araignées sur leur toile. Sous-titrée "OTH live in the church", la pièce propose de récentes compositions, car le répertoire se voit sans cesse bousculé. Les OTHiens ouvrent grand la manne créatrice, ne perdant pas de temps à séparer le bon grain de l’ivraie. Pour cela, certains titres peuvent paraître auto-complaisants, surtout en comparaison d’anciens brûlots figurant sur la liste. Le groupe est désormais passé à un punk rock essentiel, et insiste un peu trop à mon goût sur la reprise francisée. "Death dance" des Meteors devient "La danse de la mort", "Too drunk to fiuck" "Fureur d’être ivre" et "Get off my doud" "Interdit aux chiens". On peut ajouter "Super sordo", pompage ironique du "Batman’s theme", contant les exploits d’une héroïne toxico.

"LE JOUR DE LA GRANDE RÉVOLUTION ANARCHISTE, NOUS RECRUTERONS DES VOLONTAIRES POUR FORMER UNE GRANDE MILICE... ET TOUS CEUX QUI SE PRÉSENTERONT SERONT IMMEDIATEMENT FUSILLÉS !"
TACATAC ! Deux secondes de silence et WHAM ! C’est reparti. Le son est appréciable, sans plus. Des chansons émergent, annonciatrices de l’album tant espéré : "Euthanasie pour les rockers" avec son entêtant leitmotiv "La chair humaine ne vaut pas cher" et sa provocante constatation :
"Je suis super démago, je suis trafiquant d’art
J’ai tout pour réussir, c’est ce qui fait les stars".
Les textes en disent long sur l’état d’esprit du combo. Seuls contre tous, la désillusion comme compagne quotidienne, leur guerre ne cessera jamais. En fin de parcours, un bonus surprise : "La France dort", gravé à l’emporte pièce dans je ne sais quel studio, petite merveille de rock’n roll basique évoquant le Dutronc des sixties, qui a l’étoffe d’un futur hymne. Spirou s’y montre délicieusement provoquant, adoptant une diction sentencieuse et dandy pour décrire ce sommeil profond et léthargique. Venimeuse à souhait, cette chanson se place comme l’incontestable réussite de la production.
OTH sont en pleine transition et nous lèguent cette K7 comme reflet de leur mue. Après la fureur naïve des débuts, l’engagement aveugle et les deprimants échecs, les cinq rockers ne lèchent pas leurs blessures et reconstituent leurs molécules aux yeux de tous. Veinards que nous sommes ! Ils nous et enseignent les différentes étapes de la rock’n roll attitude, dévoilant rancoeurs, doutes et frustrations pour davantage renforcer l’auto-détermination. Ils n’ont plus rien à attendre du bizness, mais nous avons tout à attendre d’eux...