MEURTRE D’UN EXPLORATEUR (une enquête de Mike Hammer)
Ma secrétaire s’était fait la malle avec un baltringue, les pales du vieux ventilateur avaient bien du mal à brasser l’air épais, et, renversé dans un rocking chair, je compulsais machinalement ma paperasse en m’épongeant sporadiquement le front. Un gosse entra dans le burlingue, énervé, avec une dégaine que certains vulgarisateurs qualifient de "Rock’n roll". Je l’examinai de la tête aux pieds sans mot dire. Ouais, sûrement un de ces kids mal nés, qui avaient tété leur première bibine lors de la grande parade et qui, impatients de participer à l’orgie, ne s’étaient vus proposer que le ramassage des canettes et la récolte des mégots. Un petit frustré coléreux, me dis-j e, quand il me balança sur les genoux un album de vinyl. "Expliquez-moi ça !" hurla-t-il en laissant ses maigres économies sur une table basse. Il claqua la porte et s’en fut.
Je contemplai l’objet : OTH "Explorateur", doté d’une pochette à faire gerber un tamanoir fourmilier, et deux notes ringardes du style "Becausi French is beautifull", "No synthetizers", que séduire les bikers du Vigan. .
Les nineties étant une période de vaches maigres avant d’être folles, je décidai d’accepter le job ainsi que le chétif pécule, et partis réveiller les morts dans la technopole amorphe. Voici donc le résultat d’une enquête qui me valut bon nombre |
de postillons dans la hure, et de mémorables crises d’aerophagie, dûes à la consommation massive de bières que je compte évidemment faire passer en frais professionnels.
Les cultissimes OTH, groupe favori du freluquet tracassé, allaient enregistrer leur sixième opus officiel, et pour éviter de s’auto-parodier comme beaucoup d’autres, décidaient de modifier leur itinéraire sans pour retoumer leurs vestes mitées. Bénéficiant du temps nécessaire à l’élaboration des chansons, ils partirent en séminaire dans une villa du Lot en mars 90, chez la concubine du bassiste, précisément. Il existe une bande témoin de ce séjour pré-prod, gravée à l’aide d’un magnétophone quatre ou huit pistes, suivant les sources. Cette boîte noire, j’ai sué sang et eau pour la trouver, repérant finalement un fanatique qui la conservait jalousement. Le dingo ne consentit à me la repiquer qu’après maintes supplications. Le métier a parfois ce côté avilissant de parcours du combattant : il faut ramper dans la boue pour avancer. J’enfoumai le trésor dans la gueule béante du radiocassette de ma Chevy, et entendis un gang au sommet de ses capacités, assuré et novateur.
|