Dans la même rubrique
Concert sauvage
Le mytique concert pour l’obtention d’une salle rock à Montpellier
Réussite et forum rock
|
RÉUSSITE EN SOLITAIRE
Il est extrêmement ardu, pour le thuriféraire que je suis, de disséquer cette oeuvre. Sachez que pour tout montpelliérain initié, "Réussite", premier 30 cm OTHien, sonne comme un troisième album, juste une facette du phénoméne. La trilogie aurait logiquement dû débuter par un brûlot heavy metal stoogien comprenant les déferlantes de lave qu’étaient "Du sang du sexe "Pervers" ; Se poursuivre par la mutation punk de 1982 et s’achever par ce manifeste urbain désespéré. Les vicissitudes du paysage musical français en ont décidé autrement, et voici l’objet tant ou trop espéré, rutilant dans sa pochette conçue par l’équipe TD/Mica, sur fond de cartes à jouer érotiques. Les parias ne doivent compter sur personne, air connu, et OTH a compris la chansonnette. Auto-production donc, grâce à l’apport financier d’un trio de proches, "Réussite" propose une partie du répertoire actuel du groupe. On y entend les cinq décharnés mener un combat perdu d’avance |
contre la console implacablement froide du Studio Village. En cela, même si le son n’est idoine, il a le mérite d’être crade et d’avoir évité l’écueil de l’aseptisation. La plupart des titres figurant déjà sur "Pain de guerre" se figent dans leur version définitive. Rien de réellement nouveau pour les fans locaux, plutôt une occasion concrète de soutenir la cause. Mais à Montpellier, le groupe n’a plus rien à prouver. En effet, guerroyant sur toutes les scènes hexagonales, OTH doit fédérer les indésirables de toute région et gagner la reconnaissance unanime du circuit parallèle. Si l’album n’est certes pas un succès commercial, il place néanmoins le combo dans le carré d’as des rebelles indécrottables, à savoir, La Souris Déglinguée, Oberkampf (Paris), et Wild Child (Marseille). Extra muros, il deviendra vite mythique et révélateur. Rock’n Folk fera une critique très positive dans sa rubrique "Quelques albums de plus" (sic), le couplant avec le premier essai d’un duo parisien Les Béruriers Noirs.
Une nouvelle ère se prépare, et la patience du charognard est une fois de plus sollicitée...
|
MARCHE DE L’EMPLOI
Accoudé au comptoir, je vis l’enfer. Ce frileux mois de novembre propose un ultime rendez-vous à Victoire, à savoir un authentique forum du rock où les groupes les plus représentatifs de la scéne montpelliéraine présenteront leur curriculum vitae à des responsables de labels et à un parterre de rock critics. Ce coup-ci c’est du sérieux, aucune commune mesure avec les concours ringards du père Courtines. Le carré d’as local se compose d’OTH of course, Fleurs du Mâle, Manager et Vitriol.
C’est là où le bât blesse. Je n’en suis plus. Has been de 22 ans, je me retrouve relégué au rang de spectateur, rongeant mon frein en attendant la prise de pouvoir de mon successeur. Qui déboule, tout comme moi auparavant, devant le drapeau mortuaire frappé du logo, piaillant entre les torches gothiques. Vitriol fait désormais du heavy metal, à l’instar de ses maîtres, débarrassé de son boulet punk. C’est techniquement impeccable, les morceaux sont plus longs, laissant place aux prouesses instrumentale, et les vocaux en anglais atteignent des aigus faisant frissonner d’aise les headbangers du premier rang. Le contrat avec Enfer Records ne devrait plus tarder maintenant.
Mais l’enfer, c’est moi qui le vis, à chaque tentative de consolation que j’encaisse comme un crochet au foie. Pendant la prestation quelque peu empesée des Fleurs du Mâle, les kids viendront me visiter comme un boxeur sonné au vestiaire.
Et Manager passe, bien ancré par deux briscards tels que Didier Oreghoni (basse) et l’indispensable Jean Marc Aunay aux drums, évitant le piège d’une performance trop |
professionnelle. Leur "pop", c’est celui d’un bouchon de champagne éjecté de son goulot. Bien amenées par une chanteuse primesaut ière, les chansons pétillent, tantôt mâtinées de reggae ou de funk blanc, avec une énergie joyeuse qui n’exclut pas quelques touchantes maladresses. Le groupe est réellement vivant et ne sonne en aucun cas comme un putsh de vieux soldats de l’empire.
Purgatoire, donc. Mais les OTH me vengeront à jamais. Spi est assis sur l’estrade de la batterie, jambe en angle droit, Nijinski destroy récitant sen tencieusement le couplet d’ "Arrêtez le carnage", alors que rampe une basse malsaine comme un anaconda dans le bayou. Tranchent les guitares, monte la tension. Ce nouveau pamphlet, lourd de rythmique et de sens, hypnotise l’as sistance. Puis, c’est la curée, l’attaque du mamba noir. On pouvait s’attendre à un set condensé de "Réussite", mais OTH nous assène ses dernières créations "Des fraises et du sang", "Parce que ça nous plaît", et ça tue, ÇA TUE ! Connaissez vous un groupe susceptible de surprendre ses fidèles une fois par an ? Et la fosse de muter en zone de combat, tandis que le commando triomphe ENFIN à Victoire. Du jamais entendu depuis... depuis 78 à la Comédie, 82 à l’Odéon, et toujours les mêmes rockers décharnés et vampiriques, éternellement en quête de sang frais.
François Ducray de Best sera irrémédiablement envoûté, relatant ce show inouï dans les colonnes de son mensuel. Brave François, qui caressera gentiment Manager et expédiera Vitriol d’une demi ligne meurtrière.
OTH entre dans la légende et soudain, je comprends tout. En fait, le paradis c’est Montpellier, Hérault.
L’enfer peut bien attendre....
|
|